Jidai matsuri
J'ai pu constaté que ma théorie du complot d'hier n'a pas eu beaucoup d'adhérents... C'est dommage parce que ça commence déjà à bouger pas mal à Kyoto. Regardez un peu ce qu'il s'est passé aujourd'hui au Palais Impérial:
Et là vous vous dites sûrement : "euh tu nous prends pour qui là, tu trouves que ça ressemble vraiment à un coup d'Etat ton truc là?"
Bon ok ok, comme je sais que de toute façon j'arriverai jamais à vous convaincre, autant vous dire tout de suite ce qu'il s'est vraiment passé aujourd'hui à Kyoto.
En ce 22 Octobre, comme tous les 22 Octobre, a eu lieu le jidai matsuri, ou festival des âges. Il s'agit d'un défilé qui retrace en deux heures les 1100 ans de la période la plus glorieuse de l'histoire japonaise; comprenez par là l'époque où Kyoto était encore capitale. La tradition du jidai matsuri a débuté en 1895, soit peu de temps après que Tokyo ne devienne la nouvelle capitale du Japon (1868). Il fallait trouver un truc pour consoler les Kyotoïtes et les persuader qu'au fond c'était toujours eux les meilleurs, alors on a inventé le jidai matsuri. Voilà pour la petite histoire, j'ai bien grossi quelques traits, mais en gros c'est bien ça.
Mais commençons sans plus attendre! Le defilé débute avec et passe très vite sur la période meiji, qui voit Tokyo devenir officiellement la capitale du Japon.
On remonte un peu plus dans le temps pour arriver à l'ère Edo. Edo, c'est l'ancien nom de Tokyo, qui de fait était le centre politique du Japon depuis 1600. Mais comme l'Empereur résidait encore à Kyoto à cette époque, symboliquement Kyoto était toujours la capitale.
Avant Edo, Azuchi-Momoyama. Une période courte (1573-1603) mais intense qui voit l'unification du Japon. Perché fièrement sur son cheval blanc, le premier de ceux que l'histoire à retenu commes les trois grands unificateurs: Oda Nobunaga. Je sais pas où sont passés les deux autres...
Avant azuchi-momoyama, c'est pour ainsi dire le gros bordel. Un chaos sans nom où on s'affronte entre clans rivaux, seigneurs locaux ou sectes bouddhiques, et où chacun cherche plus ou moins à se nuire mutuellement. On raconte qu'Oda Nobunaga aurait certainement réussi à unifier le Japon tout seul si il avait pas passé la plus grande partie de sa vie à tenter d'exterminer les sectes bouddhistes qui lui mettaient sans cesse des bâtons dans les roues...
Et pendant ce temps le pouvoir politique réside à Kyoto. Cependant l'empereur n'a toujours qu'une fonction symbolique. Le véritable pouvoir politique est aux mains des shoguns, qui se sont installés dans un quartier situé juste à côté de Doshisha, Muromachi. D'où le nom d'ère Muromachi... Seulement à cette époque même le shogun ne peut rien faire : il s'enferme tranquillement à faire de la calligraphie dans sa villa privée en bordure de Kyoto (le Ginkakuji, je vous montrerai des photos un de ses quatre) pendant que la ville est en train de cramer à cause d'une guerre qu'il a lui même déclenchée pour une histoire de succession. Guerre qui se propage ensuite à l'ensemble du Japon... ( le chaos dont je parlai avant ). Pour dire qu'on est quand même au summum de l'irresponsabilité, et que quand on y repense c'est peut-être pas plus mal d'avoir déplacé le centre politique à Tokyo.
Avant Muromachi, Kamakura ( 1185-1333 ). On repart sur un schéma plus classique préparé maison selon les bonnes recettes : un Empereur symbolique à Kyoto, et les shoguns qui s'en vont avec le pouvoir politique à, vous l'aurez deviné... Kamakura ( près de Tokyo, j'y suis allé. Il faudra que je vous montre les photos aussi...). Je connais pas très bien cette période, mais ça avait l'air de marcher plutôt bien...
A ce moment là il se met à pleuvoir un petit peu, mais c'est pas ça qui va arrêter le cours de l'histoire... De toute façon le défilé touche à sa fin. On arrive à l'ère Heian ( 784 - 1185 ) qui constitue une sorte d'âge d'or de l'histoire japonaise.
784 : l'Empereur Kammu décide le déplacement de la capitale de Nara à Kyoto.
Assise dans le char à gauche, Murasaki Shikibu est l'auteur du "Genji Monogatari", écrit il y a tout juste un millénaire. (si c'est pas émouvant ça!) En fait ça raconte surtout les ragots de la cour, mais comme c'est vachement bien écrit ça fait de la de la littérature. A Kyoto se développe ainsi une vie culturelle intense, qui voit naître les plus grands classiques de la littérature et des arts japonais. Pas étonnant qu'ils ont plus de temps pour la politique ces gens là...
Et nous voici arrivé à la toute fin du défilé, au moment où l'on joint l'alpha et l'oméga. Le cortège part du Palais impérial ( là où je l'ai regardé passer ) et va jusqu'au Heian Jingu. Un sanctuaire crée en 1895, c'est à dire en même temps que le jidai matsuri. Il célèbre les deux Empereurs qui encadrent ces 1100 d'histoire : Kammu, celui qui a installé la capitale à Kyoto, et Komei, le dernier à y avoir vécu. Et là ce que les gens portent surs leurs épaules, c'est une espèce d'offrande ( ou appelez ça comme vous voulez ) en l'honneur de ces deux Empereurs.
Avant de nous quitter, observons la pluie couler à toutes petites gouttes sur le Palais impérial. Ca y est, le temps à repris son cours normal...
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