Objectif Obama
Début mai, c'est au Japon la Golden Week. Une série de jours fériés qui forment en tout une petite mi-semaine de vacances dont les Japonais profitent pour voyager en famille. Il y a pour l'occasion des réductions sur les autoroutes et les billets de train. Bref si on reformule, partout ,aussi bien dans les transports que sur les lieux touristiques, c'est complètement bondé et il y a des gosses qui n'arrêtent pas de crier à droite à gauche. En plus, comme cette année plus personne ne va à l'étranger pour cause de grippe porcine, les routes japonaises se sont retrouvées particulièrement encombrées.
Le bon plan pour la golden week, c'est donc d'aller là où personne ne va, en prenant le moyen de transport que personne ne prend.
Ca c'est donc vite décidé : excursion à vélo dans la préfecture de Fukui, au nord de Kyoto. Objectif vaguement fixé : atteindre une petite ville d'environ 30 000 habitants qui a fait beaucoup parler d'elle récemment : Obama. Essayez de vous rappeler, je suis sûr que vous avez dû voir au moins un reportage à la télé sur cette ville japonaise toute tranquille, mais qui s'est soudainement animée avec l'élection présidentielle aux Etats-Unis.
Voici, une petite carte sur laquelle j'ai tracé en rouge mon périple golden weekien. Deux jours, certainement plus de 250 kilomètres (désolé pour le manque d'estimations plus précises) , des heures incalculables de vélo... Mais sans plus attendre le détail de ce parcours de folie.
Tracée en mauve, la première étape du périple. Partis du Sud de Kyoto dimanche à 7 heures, il faut d'abord traverser toute la ville pour arriver dans ses coins les plus reculés dans la montagne...
Au bout de deux heures, nous arrivons à notre premier objectif : Ohara. Un petit village au Nord de Kyoto.
C'est une destination touristique assez prisée, donc on en profite pour faire une petite pause d'environ deux heures. En plus comme il est encore assez tôt c'est très agréable, il n y a pas tant de monde. On visite tranquillement...
Enfin, il y a quand même du chemin avant d'arriver à destination, nous ne tardons donc pas à reprendre la route...
Deuxième étape, le tracé en rouge. Tout droit vers Obama, à travers les montagnes. C'est dur de reprendre le vélo après s'être reposé comme ça, on aurait pas dû se la couler douce comme ça à Ohara. La première montée nous en fait vraiment baver.
Mais on se console en se disant que pour voir ce genre de paysage, ça vaut bien la peine d'avoir gravi tout ça. Le Japon, pays dont la superficie est constitué aux 2/3 de montagnes. Le genre de trucs que l'on apprend en terminale. Mon cerveau le savait donc déjà depuis un bon bout de temps, maintenant mes yeux et mes jambes aussi le savent...
Le style de maison typiquement montagnard que je n'avais encore jamais vu, mais que je n'ai pas arrêté de croiser durant ce voyage.
Les combini, petits paradis de la société de consommation que l'on trouve à tous les coins de rue dans les villes, ont aussi leur version montagnarde. Cependant ceux-ci ne sont pas ouverts 24/24 ,il y a un peu moins de choix et on en trouve moins fréquemment. Mais quand même ils sont beaucoup plus bucoliques que leurs homologues urbains. Vraiment dépaysant. C'est ici que nous faisons notre pause déjeuner.
Avant de reprendre la route, et de s'en mettre plein les mirettes au passage. Les montées étaient très rudes, mais les descentes sont plutôt douces. Résultat : ça va relativement vite. On prend quand même le temps de bien admirer le paysage.
C'était vraiment le bon moment pour faire une ballade à vélo. En ce moment ont lieu les plantations de riz. J'ai donc pu observer ce genre de travail un peu partout. Apparemment le gros est d'abord planté à la machine, puis après ils repassent pour "affiner" certains endroits à la main. Je suis vraiment content d'avoir pu voir ça. Au Vietnam, j'avais vu beaucoup de gens trimer dans les rizières, mais au Japon c'est la première fois. C'est dans ce genre de moments que l'on se rend compte que malgré le fossé qui sépare ces deux pays, on est toujours bien en Asie.
L'aventure ne serait pas l'aventure si en chemin il n y avait pas quelques pépins.
Mais dans l'ensemble on progresse relativement vite. Et bientôt face à nous le signe tant attendu...
Fierté des habitants d'Obama...
Dans le centre ville aussi, les banderoles montrent sans vergogne l'amour des habitants d'Obama pour celui qui les a rendu célèbres. Ca devait vraiment être la fête ici il y a quelques mois quand Obama a été élu, mais il semble que la ville ait repris depuis son rythme normal. On pourrait dire gentiment que c'est tranquille, mais n'ayons pas peur des mots : c'est carrément mort.
Le contraste est saisissant : alors que le Obama américain tente de résoudre des problèmes de dimension mondiale, le Obama japonais quant-à lui n'a guère que la pêche pour s'occuper... Un autre terme qui doit rappeler des souvenirs à ceux qui ont fait leur terminale en même temps que moi, c'est la distinction entre Japon de l'endroit et Japon de l'envers. Le Japon de l'endroit, c'est la façade pacifique où se concentrent les grandes métropoles, l'essentiel de la population et de l'activité économique. Le Japon de l'envers, c'est le côté mer du Japon, ben genre Obama quoi... Et encore des mots qui que je suis habitué à entendre depuis assez longtemps, mais qui ont soudain pris forme.
Dans le musée municipal ils ont récemment ajouté une nouvelle section. Faire Kyoto-Obama à vélo? Yes, we can!
Petite boutique de souvenirs Obama. Ben ouais pourquoi pas...
Petite promenade dans la ville, alors que la nuit commence à tomber. Le plan à l'origine c'était d'essayer de passer la nuit dans un karaoké ou un café internet ou manga. Le genre de lieu qui peut-être toujours utile pour un plan B au Japon. Seulement comme les habitants de Obama semblent ne vraiment vivre que pour la pêche, apparemment ils n'ont pas ce genre d'endroit. Il est tard, on est fatigué et on a vraiment la flemme de chercher. Comme on a pris a peu près de quoi dormir à la belle étoile, on applique cette ultime solution...
Lendemain matin, cinq heures. Ca ressemble à peu près à ça. On a trouvé un espèce de petit promontoire pour passer la nuit. C'était assez sympa, la vue était jolie aussi, mais on s'attendait pas à recevoir la visite d'autant de pêcheurs nocturnes. On achète de quoi petit déjeuner au combini ( probablement le seul élément qui permet à Obama de se classer de justesse parmi les villes civilisées du Japon ) et en route pour la troisième étape du voyage!
En bleu le tracé de ce lundi matin. On quitte Obama par le Nord et on commence par longer la côte pour observer la magnifique mer du Japon.
Certes un peu fatigué, mais si c'est pour voir tout ça la fatigue je la repousse jusque dans ces confins...
C'est à cet endroit que nous quittons la mer du Japon. Le chemin que nous prenons nous fait passer au coeur de la campagne japonaise. A s'y promener on oublierait presque qu'il existe aussi un Japon des villes.
La campagne que j'ai eu l'occasion de voir dans les environs de Kyoto était plutôt mixte, subissant quand même largement l'influence des villes toutes proches. Ici la seule "grande ville" à proximité, c'est Obama. On a donc le droit à de la pure campagne.
Je découvre encore des paysages nouveaux. Est-ce que je ne suis vraiment parti qu'hier matin? On prend bien le temps de se ballader, il est 13h lorsque nous atteignons le début de notre dernière étape.
En orange sur la carte, le retour à Kyoto en longeant le lac Biwa. Je vous en ai déjà parlé, c'est le plus grand lac de tout le Japon. Quand j'y suis allé la première fois, je n'avais vu que la partie Sud, où les deux côtés sont encore proches l'un de l'autre. Sauf que comme vous le voyez sur la carte, le lac Biwa est en réalité beaucoup plus large. De là où nous le rejoignons, on a pratiquement l'impression d'être encore face à la mer.
Le lac Biwa est vraiment magnifique, mais il est aussi un sale traître. Comme en venant nous avions traversé les montagnes, nous étions vraiment persuadés que longer un lac ne nous poserait aucun problème. Certes pas de relief signifie qu'il n y a pas de montées ardues, mais cela veut aussi dire que pendant toute la durée du chemin il faut tout pédaler soi-même. Ajoutez à ça un chemin dans lequel on arrête pas de se perdre, et vous obtenez un lac qui vous tient collé à lui tel un immense aimant.
C'est beau, mais ça fout un peu les chocottes...
Quand on veut aller un peu plus vite en ne prenant pas toutes les petites routes le long du lac, il est fréquent de perdre de vue le chemin pour se retrouver dans ce genre d'endroit. A ce moment là, le mot d'ordre est "retour au lac". Ce qui bien souvent n'apporte aucune solution au problème puisque l'on se retrouve dans les petits chemins sinueux, mais ça permet de voir du pays au moins...
Voilà qu'il commence à faire nuit. Le lac Biwa nous aura tenu collé à lui pendant finalement un peu plus de sept heures, et il est dix heures du soir lorsque nous rentrons complètement épuisés mais absolument ravis de notre périple. C'est sûr, et c'est à jamais gravé dans ma mémoire : j'ai bien eu vingt ans au Japon.